16.04.2015

Juku – Mot du jour

Un juku est une sorte de classe préparatoire japonaise. Ce mot est apparu pour la première fois en anglais en 1931 dans un article du New York Times intitulé : « New teaching idea spreads in Japan. Obara, founder of the Juku system explains its aims and progress » (Une nouvelle idée de l’enseignement se répand au Japon. Obara, fondateur du système Juku, explique ses objectifs et son avancée). Le juku s’est développé au Japon dans la période d’après-guerre. Depuis, ce système est devenu un élément incontournable du paysage éducatif japonais. Les juku sont des établissements privés qui proposent différentes choses selon le type de juku choisi. Certains viennent compléter l’enseignement proposé à l’école, d’autres aident les élèves à préparer certains examens d’entrée au lycée ou à l’université, d’autres enfin s’adressent aux élèves en difficulté qui ont besoin d’aide pour suivre leurs camarades.

Le Japon est connu pour son système éducatif caractérisé par l’apprentissage par cœur et les longues heures d’étude et par des parents, surtout les mères, qui poussent leurs enfants à l’extrême pour qu’ils puissent entrer dans des écoles prestigieuses ou obtenir une note de 100 % à leurs examens de mathématiques, d’anglais ou de sciences. Le juku se nourrit de ce stéréotype car les élèves y étudient jusque tard dans la nuit après les heures de classe normales et les week-ends. Mais ce n’est qu’un stéréotype et le phénomène des juku n’est pas uniquement le produit de parents exigeants et d’une obsession pour les études. Le succès des juku s’explique de différentes façons et les arguments pour et contre ce système sont tout aussi convaincants.

D’un côté, les critiques du juku lui reprochent son coût exorbitant à cause duquel les enfants issus des familles les plus pauvres sont écartés tandis que leurs camarades plus aisés étudient frénétiquement pour réussir leurs études. Le système éducatif japonais a toujours voulu montrer une approche égalitaire et le juku ne s’inscrit pas vraiment dans ce cadre. Le problème d’un système égalitaire, c’est que les élèves qui ont du retard et ceux qui excellent sont mis de côté car le système ne s’occupe que de ceux qui se trouvent au milieu. Le juku, vous diront ses partisans, peut s’occuper des élèves dont les besoins ne correspondent pas à ceux de la moyenne.

Les partisans du juku avancent également que ses méthodes d’enseignement sont plus innovantes que les méthodes d’enseignement traditionnelles utilisées dans les écoles publiques qui sont plus centrées sur les enseignants. Cela dépend peut-être du type de juku fréquenté par les élèves, mais l’argument est le suivant : les juku étant des entreprises qui veulent faire des bénéfices (obtenus en garantissant que les élèves réussissent leurs examens), l’enseignement doit y être plus innovant. Et cela ne va pas sans plaire aux élèves. Certains élèves japonais vous diront qu’ils apprécient l’atmosphère différente du juku et l’approche de leurs enseignants (ainsi que le fait de se faire de nouveaux amis).

L’argument le plus courant contre le juku est sans doute qu’il prive les enfants de leur enfance : ils ne font pas d’activités extrascolaires et n’ont pas le temps de jouer avec leurs amis. Tout se résume aux études et aux devoirs. C’est peut-être vrai et les parents reconnaissent peut-être en secret que leur enfant passe à côté d’une partie de son enfance, mais le fait est que les parents japonais sont en constante compétition avec leurs concitoyens. La course pour faire entrer leur enfant dans la bonne école et la bonne université a commencé et personne ne veut que son enfant arrive en dernier, dans l’intérêt de celui-ci et de ses parents. Cette course n’est qu’intensifiée par la pratique des grandes entreprises du pays qui engagent chaque année de jeunes diplômés uniquement issus des meilleures universités.

Les juku ne sont pas symptomatiques d’une obsession pour l’éducation en soi, mais peut-être plus d’une obsession pour le statut et la peur d’avoir un enfant à la traîne. Tant que le ministère de l’Éducation japonais ne réformera pas les méthodes d’enseignement et les approches de l’apprentissage à l’école, les juku seront nécessaires pour compléter l’éducation des enfants.