05.11.2015

Raki – Mot du jour

Le raki est une boisson contradictoire. Les novices le trouvent parfois déstabilisant, tandis que ses amateurs ne jurent que par son goût divin.

À l’image des pays occidentaux qui vouaient un véritable culte à la « fée verte », l’absinthe aux pouvoirs d’inspiration mystiques, la Turquie et les Balkans vénéraient le raki, un alcool profondément ancré dans leur folklore. De nombreux chants et poèmes célèbrent cette boisson. Cependant, contrairement à l’absinthe qui stimulait la créativité des artistes qui en consommaient, le raki semble avoir essentiellement inspiré des héros de la vie réelle.

La Turquie est bien évidemment considérée comme le berceau et la gardienne des traditions qui entourent le raki. Le nom de cette boisson nationale, aussi appelée Arak, vient de l’arabe Araq qui désignait le jus fermenté sucré des dattes avant d’être utilisé pour nommer des boissons alcoolisées sucrées distillées.

Le raki a développé sa propre culture culinaire. Contrairement aux vins qui sont choisis en fonction du plat qu’ils accompagnent, les mezzés (ensemble de plats qui ne sont pas sans rappeler les tapas espagnoles) sont choisis en fonction du raki qu’ils accompagnent.

Selon la tradition, le raki est obtenu après la double distillation du marc de raisin avec une pointe de mastic. Cette boisson s’appelle sakiz raki ou mastikha. Pour ce qui est de la boisson anisée, comme l’ouzo grec et le pastis français, elle prend sa couleur blanche lorsqu’elle est mélangée à de l’eau. L’aspect laiteux alors obtenu est familièrement appelé « lait du lion », le lion étant un symbole de courage dans la plupart des cultures locales.

Le mot raki utilisé pour désigner une boisson alcoolisée originaire de Turquie et des Balkans est entré dans le vocabulaire anglais au début du XVIIe siècle. La première référence écrite vient du célèbre voyageur Samuel Purchas qui a décrit dans History of the World in Sea Voyages and Land Travels by Englishmen (1613) l’habitude qu’avait un soldat du gouverneur turc de boire du raki : « The Subasha (which was our guardian, and left in Town only to look to me) fell to drinking hard at a Racky-house » (« Le Subasha (qui était notre garde et avait été laissé en ville pour me surveiller) s’adonnait à la boisson dans une taverne servant du raki »).

Lorsqu’elle ne contient pas d’anis, cette boisson s’appelle düz raki (raki pur). Elle est consommée pure dans la plupart des pays des Balkans où elle est familièrement connue sous le nom de rakia.

Les Anglais ont eux aussi pu goûter à cette boisson. Le mot rakia est apparu pour la première fois en anglais pour décrire l’eau-de-vie incolore des Balkans. Cela remonte à 1778, dans l’édition anglaise des lettres de voyage d’Alberto Fortis. Cet Italien s’était rendu en Dalmatie (une région de la Croatie et du Monténégro) et avait fait part de ses observations sur l’histoire naturelle et la culture de ces terres inconnues dans des lettres adressées à John Strange, évêque du comté de Londonderry. Dans ses récits de voyage, qui ont fait sensation après leur publication, Fortis décrivait les relations étroites entre le rakia et la culture orientale : « A large draught of a spirituous liquor, which they call rakia, is commonly their first medicinal potion. » (« Leur première potion médicinale est généralement une grande gorgée d’une eau-de-vie appelée rakia. »)

Si vous avez besoin de médicament, vous n’irez peut-être pas chercher une bouteille de raki, mais si vous aimez la réglisse et l’anis ou les boissons fortes à base de raisin distillé, cette boisson risque de vous plaire. Nous conclurons par cette citation de 1834 de Frederick Marry : « I cannot drink, Raki I must not » (« Je ne peux pas boire de raki, je ne dois pas »), non sans vous rappeler de boire avec modération et de ne jamais conduire après avoir consommé de l’alcool.