19.01.2016

Tigre de papier – Mot du jour

Dans le conflit qui agite actuellement le Moyen-Orient et plus particulièrement les tensions entre la Russie et la Turquie, soutenue par ses alliés de l’OTAN, beaucoup voient la Russie comme un tigre de papier, en apparence menaçant, mais plus faible qu’il n’y paraît.

En 1958, en pleine Guerre froide, alors que les marines américains basés en Syrie et les troupes anglaises de Jordanie essayaient d’empêcher une contagion du communisme au Moyen-Orient, le dirigeant communiste chinois Mao Zedong, opposé au Gouvernement des États-Unis, compara les impérialistes et les réactionnaires à des « tigres de papier ».

Cette expression n’a pas été inventée par Mao. En effet, elle a une longue histoire dans la langue et la culture chinoises.

Quoi qu’il en soit, cette expression doit sa popularité occidentale à Mao et est utilisée pour désigner des gens et des pays en apparence puissants et/ou menaçants, mais en réalité impuissants et incapables de surmonter les défis.

L’expression et sa définition ont été introduites dans la langue anglaise en 1836 en tant que traduction littérale de l’expression chinoise zhilaohu (紙老虎) dans The Chinese de John Francis Davis : « A blustering, harmless fellow they [sc. the Chinese] call ‘a paper tiger’ » (« Un fanfaron inoffensif qu’ils [les Chinois] appellent un ‘‘tigre de papier’’ »).

Et cela semble logique lorsque l’on sait que les Chinois considèrent le tigre comme le roi des animaux, contrairement au lion dans la culture occidentale : l’animal le plus puissant et le plus redoutable fabriqué dans un matériau facile à détruire, le papier.

Tigre de papier – Histoire

La langue chinoise compte des centaines d’expressions contenant le sinogramme 虎 (hu) « tigre » et la majorité d’entre elles font naturellement référence à la puissance de cette créature. Certaines ressemblent d’ailleurs aux expressions que l’on trouve en anglais ou en français, à la différence que le tigre y est remplacé par le lion. Ainsi, l’expression chinoise « mō lǎohǔ pìgu » (摸老虎屁股), littéralement « toucher les fesses du tigre » correspondant à l’expression anglaise « twist the lion’s tail » (« tordre la queue du lion ») utilisée pour décrire quelque chose de dangereux.

Ce qui nous amène à la deuxième occurrence de notre expression dans la langue anglaise, dans un véritable chef-d’œuvre linguistique. En 1895, les lecteurs purent lire dans la magazine The Philadelphia Inquirer : « The Chinese call a harmless blusterer ‘a paper tiger’. So, when Richelieu Robinson was in Congress, the Chinese journals doubtless had frequent occasions to report that the tail of the British lion was being twisted by a paper tiger » (« Les Chinois dissent d’un fanfaron inoffensif que c’est un « tigre de papier ». Ainsi, lorsque Richelieu Robinson était au Congrès, les journaux chinois ont souvent eu l’occasion de remarquer que la queue du lion britannique était tordue par un papier de tigre. »)

Richelieu était le nom d’artiste d’un caricaturiste irlandais connu pour ses caricatures publiées dans le New York Tribune dans lesquelles il « tordait la queue du lion britannique ». Il devint ensuite un membre démocrate du Congrès américain, un vrai papier de tigre.